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digieuse que Rochefort a osé raconter à ses lecteurs. Peut-être espère-t-il que ceux-ci, ahuris par son incohérence, ont perdu la mémoire du roman inepte qu’il leur a servi. Mais l’heure est venue où ce mépriseur du peuple qui a traité le prolétariat en vieille dupe imbécile, doit rendre ses comptes.


II

Donc, au moment où furent produites des accusations précises contre Esterhazy, Rochefort, essayant de sauver le délicieux uhlan par tous les moyens, imagina la diversion que voici. Le 15 décembre 1897, l’Intransigeant, sous le titre : « La vérité sur le traître », publiait l’article suivant :


Dreyfus et Guillaume II

Dreyfus était exaspéré depuis longtemps de la campagne antisémite menée par plusieurs journaux.

Très ambitieux il se disait que juif, il ne pourrait jamais atteindre aux sommets de la hiérarchie qu’il rêvait.

Et il pensait que, dans ces conditions, il serait préférable pour lui de reconnaître comme définitifs les résultats de la guerre de 1870, d’aller habiter l’Alsace où il avait des intérêts et d’adopter enfin la nationalité allemande.

C’est alors qu’il songea à donner sa démission, à quitter l’armée.

Mais auparavant, il écrivit directement à l’empereur d’Allemagne, afin de lui faire part de ses sympathies, pour sa personne et pour la nation dont il est le chef, et lui demander s’il consentirait à lui permettre d’entrer avec son grade dans l’armée allemande.

Guillaume II fit savoir au capitaine Dreyfus, par l’entremise de l’ambassade, qu’il était préférable qu’il servît le pays allemand, sa vraie patrie, dans le poste que les circonstances