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D. ― Mais vous avez eu plusieurs rendez-vous. À combien de jours d’intervalle ?

R. ― Le premier, le 20 octobre ; le second, quatre jours après ; deux autres ont précédé de très peu la déclaration du général Billot à la Chambre…

D. ― À la suite de laquelle vous avez été suivi, dites-vous. Il est bien singulier que vous ayez eu ainsi quatre rendez-vous de la personne mystérieuse et que vous n’ayez pas pu chercher à savoir d’où venaient les renseignements qu’elle vous donnait.

R. ― Les renseignements étaient exacts, j’en avais la preuve.

D. ― Vous n’avez pas cherché à savoir quel intérêt elle avait à vous dévoiler les agissements de vos ennemis ?

R. ― Elle semblait poussée par un besoin impérieux de défendre un malheureux contre des imputations fausses.

D. ― Pourquoi ne pas reproduire ces allégations au grand jour ? Pourquoi se cacher quand on a quelque chose à dire dans l’intérêt de la vérité ?

R. ― Je ne chercherai pas même aujourd’hui à savoir où elle a puisé ses renseignements, car j’ai juré de ne pas m’en occuper. Dans la seconde entrevue que j’eus avec cette dame, elle me remit une enveloppe disant qu’elle contenait la preuve de la culpabilité de Dreyfus et de mon innocence ; elle ajouta que « si le torchon brûlait, il n’y avait qu’à faire publier la pièce dans les journaux ».

D. ― Qu’avez-vous fait de cette pièce ?

R. ― Je l’ai remise au ministre de la guerre. Je prévins le ministre, le président de la République. Je fus appelé chez le gouverneur militaire qui me demanda des détails. J’ai remis la pièce sans savoir ce qu’elle contenait. C’était le 14 novembre. Le 15, M. Mathieu Dreyfus publiait, dans le Matin, sa lettre de dénonciation. Le 13, à midi, je prévins le ministre de la guerre que j’avais l’honneur de demander une enquête.

D. ― En ce qui concerne l’histoire de la Dame voilée, la police a recherché les cochers qui l’auraient conduite dans les rendez-vous. Les résultats ont été nuls.

R. ― Tout ce que j’ai dit est aussi vrai que je suis innocent.