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Qu’importe aussi que Dreyfus soit innocent, puisque la trahison qu’il n’a pas commise est comme latente en toute sa race et que le condamner à faux c’est encore exercer une justice supérieure ?

Oui, voilà les sophismes monstrueux, voilà le poison jésuitique que peut-être la Libre Parole a inoculé à la conscience militaire ; et livrer un homme, à huis clos, à des hommes qu’a pu effleurer ou même entamer cette morale abominable, ce serait mettre l’innocent sous le couteau sacré du nationalisme clérical.

Il ne peut y avoir qu’un remède à ce poison, qu’une précaution contre cette perversion de la conscience, c’est la publicité du débat.

Ainsi ce qui est resté honnête et sain dans la conscience française pourra réagir contre les aberrations jésuitico-militaires du sens moral.

Et si le crime d’Henry a eu pour résultat d’ébranler jusqu’à sa base le procès Dreyfus, les apologies qui l’ont suivi ont eu pour effet d’éclairer jusqu’au fond la conscience antisémite qui, d’emblée, s’est harmonisée avec la conscience des faussaires.

Non, ces quelques jours n’ont pas été perdus pour la vérité, et pour le redressement de l’opinion. Et les constatations décisives contre Henry n’ont pas été continuées par les constatations décisives contre du Paty de Clam.