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avoué, et si, démêlant aux indices les plus sûrs, la fausseté misérable de cette pièce, nous en demandions le texte, exact et complet, les patriotes de l’État-Major nous répondraient avec indignation : « Traîtres, vous voulez donc livrer à l’étranger les secrets de la Patrie ! »

C’est ainsi que maintenant, quand nous réclamons la révision au grand jour, quand nous demandons la production des rapports de police allemands qui, bien après la condamnation de Dreyfus, sont venus, sur commande, porter à l’État-Major, les preuves dont il avait besoin, les faussaires, charlatans de patriotisme, nous disent que nous voulons livrer les secrets de notre service d’espionnage.

Combien de temps encore sera-t-il permis à ces criminels de cacher leur crime et leur imbécillité sous le voile de la patrie ?

Combien de temps aussi, après la cruelle leçon que M. Cavaignac a reçue, les ministres continueront-ils à examiner le dossier Dreyfus avec les seules indications, avec les seules lumières des bureaux de la guerre ?

C’est un hasard, c’est la particulière maladresse du colonel Henry qui a amené la découverte du faux.

Il paraît qu’il n’avait pas bien ajusté les morceaux de papier sur lesquels il écrivait, et cela se voyait à la lampe. Si donc il avait été plus adroit, les bureaux de la guerre n’auraient pas aperçu le faux de la pièce, quoiqu’elle portât en effet, pour tout homme de bon sens, par son style, son contenu et sa date, la triple marque du faux.


III

Et pourtant, ce sont ces hommes ou déplorablement aveugles ou passionnément animés contre le vrai qui, après avoir trompé M. Cavaignac, le Parlement et la France, restent, pour l’étude du dossier Dreyfus, les guides du général Zurlinden.