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êtes accusé formellement d’avoir soudoyé des sous-officiers pour vous procurer de mon écriture. J’ai vérifié le fait ; il est exact. On m’a informé aussi du fait suivant : vous auriez distrait des documents de votre service pour en former un dossier contre moi. Le fait du dossier est vrai. J’en possède une pièce en ce moment-ci. Une explication s’impose. »

Ainsi, Esterhazy, se sentant protégé par les bureaux de la guerre, sachant que ceux-ci organisent contre le colonel Picquart tout un système d’accusation, paie d’audace. C’est sur un ton arrogant et menaçant qu’il écrit à l’homme qui a rassemblé les preuves de sa trahison. Cette lettre suffirait à démontrer que, dès cette époque, les bureaux de la guerre étaient complices d’Esterhazy.

Comment, en effet, sinon par eux, Esterhazy pouvait-il savoir qu’un dossier avait été formé contre lui par le colonel Picquart ? Comment, sinon par eux, pouvait-il savoir que celui-ci avait rassemblé des spécimens de son écriture ?

Chose prodigieuse : au moment où j’écris, on poursuit le colonel Picquart pour avoir, dit-on, communiqué à son ami Leblois le dossier de la trahison d’Esterhazy ; et rien ne le prouve. Mais cette lettre d’Esterhazy démontre que les bureaux de la guerre communiquaient au traître lui-même le dossier établissant sa trahison, et nul n’a songé, je ne dis pas à inquiéter, mais à interroger là-dessus Esterhazy et les bureaux de la guerre.


II

Les deux télégrammes faux qui parvenaient en même temps que la lettre d’Esterhazy au colonel Picquart étaient ainsi conçus :

Le premier, signé Speranza, comme la lettre fausse