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rentrer en sommeil. Il n’y a pas d’interpellation à la Chambre ; il n’y a pas de polémiques dans les journaux ; le colonel Picquart, promené de mission lointaine en mission lointaine, est, en quelque sorte, hors de l’action.

Seul, M. Scheurer-Kestner poursuit silencieusement son enquête, sans que rien encore ne parvienne au dehors. Le péril semble écarté, ou tout au moins ajourné. L’atelier des faussaires suspend donc ses opérations.

Les bureaux de la guerre, munis déjà de la première lettre fausse, en déduisent sournoisement, comme il résulte de la correspondance échangée en juin 1897 entre le lieutenant-colonel Henry et le lieutenant-colonel Picquart, tout un système d’accusation contre le colonel Picquart : mais c’est le travail obscur qui précède les crises.

La crise éclate en novembre 1897, quand la France apprend que M. Scheurer-Kestner croit à l’innocence de Dreyfus, qu’il en a recueilli les preuves et qu’il va saisir le gouvernement de la question.

Aussitôt, vif émoi et affolement dans le groupe d’Esterhazy et de du Paty de Clam.

Immédiatement, Esterhazy, comme nous l’avons vu, porte à la Libre Parole, sous le pseudonyme de Dixi, un système de défense qui, bien analysé, contient des aveux décisifs.

Immédiatement aussi, l’atelier des faussaires reprend ses opérations.

FAUX TÉLÉGRAMMES

I

Le 10 novembre, à Sousse, en Tunisie, le colonel Picquart reçoit à la fois une lettre vraie, authentique, du commandant Esterhazy, et deux télégrammes faux.

Dans sa lettre, Esterhazy lui disait en substance : « J’ai reçu ces temps derniers une lettre dans laquelle vous