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Comminges, tout le monde savait quel était le vrai sens du mot « demi-dieu ». Pour se risquer à employer ce mot " demi-dieu " dans la lettre fausse du 15 décembre, en un sens absolument inexact et compromettant, il fallait savoir que les officiers d’État-Major, acharnés contre Picquart, avaient déjà donné au même mot, dans la lettre du 27 novembre, la même signification compromettante.

C’est donc dans les bureaux de la guerre qu’est l’origine certaine de cette lettre certainement fausse. C’est là qu’est le nid de la vipère.


II

Et la monstrueuse machination de mensonge qui a pris dans son engrenage toutes les institutions de notre pays continue avec une incroyable audace. Après avoir inspiré et accueilli la fausse lettre des attachés militaires afin d’accabler Dreyfus, les bureaux de la guerre, au service du traître Esterhazy, fabriquent une fausse lettre afin de perdre Picquart, qui a révélé l’innocence du condamné, la trahison de l’autre.

Un faux en novembre contre Dreyfus, un faux en décembre contre Picquart : les faussaires ne chôment pas ; les stratèges de mensonge et de trahison gagnent bataille sur bataille....

Et ce qui aggrave le crime des bureaux de la guerre contre Picquart, ce qui démontre, dans le faux commis contre lui, une sorte de préméditation profonde et une absolue perversité, c’est que cette lettre fausse on ne la transmet pas au colonel Picquart.

De la lettre authentique mais mal interprétée du 27 novembre, on s’était borné à prendre copie : on l’avait recachetée et envoyée au colonel. Mais celle-ci, on la garde. On n’en prend pas copie ; on n’en prend pas photographie : la photographie pourtant aurait suffi à accuser plus tard le colonel Picquart.