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d’Esterhazy et de du Paty de Clam, que ce n’est pas un faux proprement dit, parce que le mot Speranza ne représente pas un personnage réellement existant.

On peut se risquer à dire, comme l’on fait Vervoort et Rochefort en leur bienveillance attendrissante pour le délicieux uhlan, que cette pièce frauduleuse, destinée à perdre le colonel Picquart et à le déshonorer, n’est qu’une plaisanterie ingénieuse, une mystification dans le genre de celles de Lemice-Terrieux.

On peut même penser que M. Bertulus, le juge d’instruction saisi de ce faux, a été téméraire en supposant que le faussaire avait cru que le mot Speranza était espagnol et qu’en signant de ce mot il avait voulu rattacher cette lettre fausse à la lettre authentique du 27 novembre, écrite en espagnol.

Sur tous ces points, la discussion, en effet, est ouverte, et ce ne sont pas les non-lieu de complaisance rendus à huis clos par la chambre des mises en accusation qui peuvent la fermer.

Mais, pour notre objet, peu nous importe.

Car il y a un fait qui ne peut pas être discuté, et qui ne l’est pas. C’est que cette lettre est fausse. C’est qu’elle a été écrite et adressée au colonel Picquart par quelqu’un qui voulait le perdre. Le général de Pellieux, après enquête, l’a reconnu lui-même, comme il a reconnu que deux télégrammes adressés, un an plus tard, au colonel Picquart étaient des faux.

Tandis que le colonel Picquart attribuait ces faux à Esterhazy, le général de Pellieux, lui, déclarait devant la cour d’assises, qu’après enquête à la préfecture de police, il les attribuait à Souffrain (tome I, page 265).

Mais que le faux soit de Souffrain ou d’Esterhazy, il y a faux, de l’aveu même des ennemis les plus acharnés du colonel Picquart.

Or, ce faux est destiné à faire croire que le colonel Picquart, d’accord avec le « demi-dieu », joue un rôle louche et machine une entreprise coupable. Il ne peut