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du traître Esterhazy, s’imaginent qu’un trésor est tombé en leurs mains.

C’est une lettre écrite au colonel Picquart et qui contient des expressions énigmatiques où du Paty et les autres découvrent ou veulent découvrir un sens compromettant.

Que l’on veuille bien suivre ici avec attention, car cette aventure, qui ressemble à un mauvais roman feuilleton, est de l’histoire, la plus douloureuse, la plus humiliante, la plus poignante.

Voici donc, d’après le général de Pellieux lui-même, déposant devant la cour d’assises, ce que contenait cette lettre (tome I, page 265) :


Je me rappelle quelques expressions. Elle commençait ainsi : « Enfin le grand œuvre est terminé et Cagliostro est devenu Robert Houdin… » Et à la fin de la lettre il y avait cette phrase : « Tous les jours, le demi-dieu demande s’il ne peut pas nous voir. » Voilà les points importants de cette lettre. « Cette lettre était écrite en espagnol et signée G… »


Du coup, les amis d’Esterhazy s’imaginèrent qu’il y avait là des allusions à l’enquête du colonel Picquart.

Ils s’imaginèrent ou feignirent de s’imaginer que le demi-dieu représentait un personnage mystérieux, travaillant dans l’ombre à la réhabilitation de Dreyfus et dont le colonel Picquart aurait été l’allié et l’agent. Ou plutôt ils pensèrent ils pensèrent qu’un jour ou l’autre ils pourraient donner à cette lettre ce tour et ce sens : c’était un trait qu’ils pourraient empoisonner à loisir. Joyeux, ils prirent copie de cette lettre et envoyèrent ensuite l’original au colonel Picquart.

Or, cette lettre, nous pouvons le dire tout de suite, était la plus innocente du monde. Elle était écrite par M. Germain Ducasse, secrétaire d’une vieille demoiselle, Mlle Blanche de Comminges, parente et amie du colonel Picquart, et les mots mystérieux étaient tout simplement