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LES FAUSSAIRES


Complicité des bureaux de la guerre


I

J’ai démontré dans l’article précédent que le document cité par M. Cavaignac à la tribune, et qui contenait le nom de Dreyfus, était un faux misérable.

Je crois que nul, après y avoir réfléchi, n’osera le contester, et je renouvelle à M. Cavaignac le défi d’apporter ou de faire apporter par ses journaux la moindre réponse un peu sérieuse aux raisons décisives qui ont été produites de toutes parts, contre l’authenticité de cette pièce.

Mais, je le répète, non seulement il y a là un faux ; mais les conditions dans lesquelles il s’est produit démontrent qu’il y a eu une complicité, plus ou moins étendue, des bureaux de la guerre.

Sans doute Esterhazy avait un intérêt direct à ce que cette pièce fausse fournît à l’État-Major un point d’appui contre l’enquête du lieutenant-colonel Picquart. Mais Esterhazy tout seul ne pouvait rien.

D’abord il fallait qu’il sût qu’il était mis en cause : et comment l’eût-il appris ? Le lieutenant-colonel Picquart avait recueilli contre lui des preuves décisives : mais il ne l’avait pas encore interrogé ; l’instruction proprement dite n’était pas ouverte. Ce n’était donc pas par le colonel Picquart, qui n’avait aucun intérêt à avertir avant l’heure Esterhazy, que celui-ci a pu être mis en éveil.

Évidemment, si Esterhazy a été informé dès cette