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Le général de Pellieux n’a pas parlé à la légère. Quand il a dû enquêter sur Esterhazy, tous les documents relatifs à l’affaire Dreyfus lui ont été soumis. Et lui-même, devant la cour d’assises, nous dit de cette pièce qu’il l’a vue. Il a vu la note ; il a vu la carte de visite dont elle était appuyée : par conséquent, au moment où le général de Pellieux enquêtait sur Esterhazy, en décembre 1897, et encore au moment où il parlait devant la cour d’assises en février 1898, c’est par le rapprochement de la note et de la carte de visite que les bureaux de la guerre établissaient l’authenticité de la pièce où est mentionné Dreyfus.

Avec M. Cavaignac, le système change : il n’est plus question de la carte de visite. Ce qui pour lui fait l’authenticité matérielle de la pièce, c’est qu’elle est écrite au crayon bleu et sur un papier spécial comme une autre lettre qu’on garde au ministère depuis 1894.

Avec M. Cavaignac, c’est toujours le même procédé. Les systèmes, les moyens de preuve, les affirmations changent en cours de route, selon les besoins de sa tactique.

De même que pour le rapport de Lebrun-Renaud sur les prétendus aveux, M. Cavaignac, par des variations subtiles, a changé trois fois son affirmation, de même il substitue aux moyens d’authenticité allégués depuis l’origine par l’État-Major pour la pièce « décisive » des moyens nouveaux.

Mais, en vérité, cet escamotage ne passera pas inaperçu.

Pourquoi M. Cavaignac a-t-il fait le silence complet devant la Chambre sur les moyens de preuve acceptés et proposés jusque-là par l’État-Major ? Voilà une pièce qui, de l’aveu même de M. Cavaignac, est la seule décisive, puisque seule elle contient le nom de Dreyfus. Il importe donc au plus haut degré de savoir si elle est authentique. Or, quand devant le pays M. Cavaignac démontre ou essaie de démonter l’authenticité matérielle de cette pièce, il néglige entièrement, comme s’il n’en avait jamais