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Voici, en effet, ce qu’a dit le général de Pellieux devant la cour d’assises (tome II, page 118) :

Au moment de l’interpellation Castelin, il s’est produit un fait que je tiens à signaler.

On a eu au ministère de la guerre ― et remarquez que je ne parle pas de l’affaire Dreyfus ― la preuve absolue de la culpabilité de Dreyfus, absolue ! et cette preuve, je l’ai vue ! Au moment de cette interpellation, il est arrivé au ministère de la guerre un papier dont l’origine ne peut être contestée et qui dit ― je vous dirai ce qu’il y a dedans : ― « Il va se produire une interpellation sur l’affaire Dreyfus. Ne dites jamais les relations que nous avons eues avec ce juif. »

Et, messieurs, la note est signée ! Elle n’est pas signée d’un nom connu, mais elle est appuyée d’une carte de visite, et au dos de cette carte de visite il y a un rendez-vous insignifiant, signé d’un nom de convention, qui est le même que celui qui est portée sur la pièce, et la carte de visite porte le nom de la personne.

Il est à peine besoin de souligner l’absurdité, l’enfantillage des moyens de preuve indiqués par le général de Pellieux.

Il est inadmissible, d’abord, que les attachés militaires se soient écrit dans ces conditions et sur ce sujet. Mais en tout cas, si l’un d’eux avait écrit à l’autre, en signant d’un nom de convention, il n’aurait pas joint à ce billet une carte de lui, portant à la fois son vrai nom imprimé et son nom de convention écrit à la main.

Il y a, dans le récit du général de Pellieux, une double impossibilité, une double absurdité.

D’abord, quand on écrit, sur un sujet dangereux et qu’on signe d’un nom de convention, c’est pour que, si ce billet est surpris, on ne puisse savoir quel est le véritable auteur : il est donc absurde d’y joindre une carte de visite qui, portant à la fois le vrai nom et le nom de convention, donne la clef de celui-ci.

Voilà une première et décisive absurdité !

De plus, il est absurde aussi qu’un homme qui donne