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de 1894, et soigneusement gardée, pût servir d’indication et de modèle au faussaire, la belle difficulté !

Nous savons qu’à la veille du procès Esterhazy, à la fin de 1897, quand il a fallu ragaillardir un peu le traître qui s’affalait, on a bien su lui faire parvenir « le document libérateur ». La fameuse dame voilée a remis à Esterhazy une pièce du dossier secret, qui était enfermée à triple tour dans un tiroir du ministère.

Si les pièces du ministère savent sortir de leur prison pour aller réconforter le uhlan, elles peuvent bien en sortir aussi pour lui fournir le modèle de l’aimable petit faux qui doit, en accablant Dreyfus innocent, sauver Esterhazy coupable.

Mais qu’importe tout cela à M. Cavaignac ? Crayon bleu, messieurs, l’authenticité est certaine.


III

J’oubliais qu’il a pesé aussi, dans les balances que lui a fournies l’État-Major, « l’authenticité morale ».

Elle résulte d’une façon indiscutable de ce que le billet fait partie d’un échange de correspondance qui eut lieu en 1894. La première lettre est celle que je viens de lire. Une réponse contient deux mots qui tendent évidemment à rassurer l’autre. Une troisième lettre enfin, qui dissipe bien des obscurités, indique, avec une précision absolue, une précision telle que je ne puis pas en lire un seul mot, la raison même pour laquelle les correspondants s’inquiétaient.

Voilà qui est jouer de malheur, car ce que M. Cavaignac invoque comme une preuve d’authenticité morale est une nouvelle preuve du faux.

Il était déjà absurde qu’à cette date, quand leur plan de conduite était arrêté depuis deux ans et au moment même ou l’article de l’Éclair venait de leur apprendre