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Son authenticité matérielle résulte pour moi, non seulement de tout l’ensemble des circonstances dont je parlais il y a un instant (ce sont sans doute les fameuses présomptions concordantes), mais elle résulte entre autres d’un fait que je veux indiquer : elle résulte de sa similitude frappante avec un document sans importance, écrit par la même personne et écrit comme celui-là au crayon bleu, sur le même papier assez particulier qui servait à la correspondance habituelle de cette même personne et qui, daté de 1894, n’est pas sorti depuis cette date du ministère de la guerre.

Quoi ! voilà une preuve « matérielle » d’authenticité ! Ah ! M. Cavaignac nous donne là la mesure de son esprit critique et nous savons maintenant ce que valent « les présomptions concordantes » qu’il a cru, dans d’autres pièces, relever contre Dreyfus !

Quoi ! il est visible, par le style baroque de cette lettre, par l’absurdité et l’impossibilité du fond, par l’absurdité et l’impossibilité de l’envoi lui-même, il est visible que c’est là un faux, fabriqué par le plus maladroit faussaire ! Et M. Cavaignac nous dit : « Permettez ! C’est écrit avec un crayon bleu comme une autre lettre de M. Panizzardi ; et c’est écrit sur un papier semblable à celui qu’il employait il y a quatre ans. »

Vraiment on se demande si on rêve. Mais, ô grand ministre, rien n’était plus facile au faussaire que de savoir que M. Panizzardi écrivait au crayon bleu et d’écrire lui-même au crayon bleu. Rien n’était plus facile au faussaire que de savoir sur quel papier « assez particulier » écrivait M. Panizzardi et d’employer le même papier.


II

Raisonnons un peu, je vous en supplie, si cela n’est pas encore un crime en notre pays de liberté.

Ce faux imbécile, à qui devait-il profiter ? à Esterhazy,