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C’est entendu. Si on vous demande, dites comme ça ; car il faut pas que on sache jamais personne ce qui est arrivé avec lui. »

Ce n’est ni du français, ni de l’allemand, ni de l’italien ; c’est du nègre.

Évidemment, le faussaire, maladroit ouvrier de mensonge, s’est dit qu’un attaché militaire étranger ne devait pas écrire avec une correction irréprochable : peut-être même s’est-il rappelé les fautes légères que contient la lettre : « Ce canaille de D… » et il a forcé la note : il a converti les quelques incorrections en un charabia vraiment burlesque. C’est si évident que cela devrait suffire.

Mais le fond est aussi absurde, aussi grotesque que la forme.

Pourquoi l’attaché militaire X… éprouve-t-il le besoin d’écrire à l’attaché militaire Y… ? Malgré la suppression d’un membre de phrase, opérée par M. Cavaignac, le sens est très clair : un attaché militaire est censé écrire en substance à l’autre : « Si mon gouvernement me demande des explications, je dirai que je n’ai jamais eu de relations avec Dreyfus. Répondez de même au vôtre s’il vous interroge. »

Et il est certain que M. de Schwarzkoppen était quelque peu embarrassé à l’égard de son ambassadeur, M. de Munster. Celui-ci avait promis à la France que les attachés militaires ne s’occuperaient pas d’espionnage : et les attachés militaires, manquant à sa parole, avaient pratiqué l’espionnage ; ils avaient eu des relations avec Esterhazy ; ils recevaient de lui des documents ou des notes, comme l’atteste le bordereau.

Quand Dreyfus fut arrêté en 1894, l’ambassadeur d’Allemagne demanda certainement des explications aux attachés militaires. Que lui répondirent-ils ? Nous l’ignorons.

Se bornèrent-ils à déclarer, comme c’était la vérité, qu’ils ne connaissaient pas Dreyfus ? ou bien ajoutèrent-