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IV

Voilà sans doute aussi ce que le colonel Picquart aurait fait remarquer à M. Cavaignac. Et sans doute, connaissant le dossier secret, il y aurait joint des raisons plus particulières. Il aurait expliqué notamment pourquoi il affirmait qu’une au moins des pièces du dossier secret s’appliquait certainement à Esterhazy.

Mais on lui a violemment fermé la bouche. On l’a jeté en prison pour avoir offert au ministère infaillible la preuve qu’il se trompait. Et c’est une preuve de plus que les bureaux de la guerre n’ont guère confiance dans la valeur de ces pièces secrètes : ils ne veulent pas permettre la discussion de ceux qui savent.

N’importe ! Le texte même de ces deux premières pièces, celles à l’initiale D, permet d’affirmer non seulement qu’on n’a pas le droit, sans criminelle témérité, de les appliquer à Dreyfus, mais qu’elles ne peuvent pas lui être appliquées.

Et s’il en fallait une preuve de plus, c’est que les bureaux de la guerre eux-mêmes, sentant la fragilité de ces deux premières pièces, ont tenté deux ans après de les confirmer ou de les suppléer par une troisième pièce, fabriquée par eux.

Oui, la troisième pièce, celle où Dreyfus est nommé en toutes lettres, est un faux scélérat et imbécile qui fait partie de tout un système de faux, pratiqué depuis deux ans rue Saint-Dominique.

C’est ce que je démontrerai samedi prochain.