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ses correspondants étrangers de ne le désigner ni par son nom ni même par l’initiale de son nom ? Il pouvait faire ses conditions ! Il n’était pas besogneux : il n’était pas à la merci des attachés étrangers. Comment n’aurait-il pas exigé des précautions élémentaires pour sa propre sécurité ?

Qu’on veuille bien prendre garde aux deux lettres avec l’initiale D… citées par M. Cavaignac. Voici, je crois, une remarque qui n’a point été faite et qui me paraît décisive.

Il résulte de ces lettres que le nommé D… est allé, soit à la légation allemande, soit à la légation italienne, au moins trois fois dans l’espace d’un mois.

Dans la première lettre, celle que les services des renseignements place en mars 1894, l’attaché allemand écrit à l’attaché italien (et si c’est l’inverse, mon raisonnement reste le même) que le nommé D… lui a apporté des choses très intéressantes. Voilà une première visite.

Un peu plus tard, le 10 avril, l’attaché écrit : « Ce canaille de D… m’a porté pour vous douze plans directeurs », et de plus la lettre parle d’une conversation entre l’attaché et D…. Voilà une deuxième visite.

Mais de cette conversation même il résulte qu’il y a eu dans l’intervalle querelle et brouille entre l’autre attaché et D…. Il suffit de relire la lettre pour s’en convaincre. Et cela représente au moins une visite.

Ainsi, dans l’espace d’un mois environ, du courant de mars au 10 avril, le nommé D… fait deux visites au moins à l’attaché militaire allemand et une visite au moins à l’attaché militaire italien.

Qu’un rastaquouère pressé d’argent et vivant aux crochets de légations étrangères ou qu’un agent infime d’espionnage, protégé par son obscurité, multiplie ainsi les démarches imprudentes ; qu’il aille d’une légation à l’autre, qu’il se brouille et se dispute avec l’une, puis coure chez l’autre, avec des documents quelconques,