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concordantes et décisives des présomptions qui, avant le bordereau, n’avaient ému ou même effleuré aucun esprit.

Mais c’est bien mieux : même après la découverte du bordereau, même pendant le procès, les bureaux de la guerre n’avaient pas songé à appliquer à Dreyfus les pièces qu’invoque M. Cavaignac. L’acte d’accusation démontre qu’il n’a été interrogé, en dehors du bordereau, sur aucune pièce suspecte, sur aucun détail inquiétant d’une correspondance quelconque.

Et qu’on ne dise pas que c’était par prudence, car le huis clos parait à tout, car il était aussi compromettant de montrer le bordereau que n’importe quelle autre pièce ; car M. Cavaignac lui-même a pu lire publiquement ces pièces.

Non, si on ne les a pas jetées dans le procès légal de Dreyfus, c’est parce que d’abord on ne songeait pas du tout à les utiliser, et on ne songeait pas à les utiliser parce qu’on ne les jugeait pas utilisables.

Les pièces avec l’initiale D… avaient fait déjà l’objet d’une enquête ; on avait cherché à savoir quel était ce D…. Or rien, ni dans les habitudes de Dreyfus, ni dans la nature des documents livrés, ni dans le texte même des lettres, ne permettait même de soupçonner Dreyfus, et c’est dans de tout autres directions qu’on avait cherché : ainsi, les lettres à l’initiale D… faisaient partie d’un tout autre dossier que l’affaire Dreyfus ; bien mieux, chose inouïe, elles en font partie encore.


III

Certes, si deux hommes ont été violemment opposés depuis le réveil de l’affaire Dreyfus, c’est le lieutenant-colonel Picquart et le lieutenant-colonel Henry ; ils se sont défiés et outragés : le lieutenant-colonel Henry a dirigé les perquisitions au domicile du lieutenant-colonel Picquart. Pendant que celui-ci réclame la revi-