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L’EXPÉDIENT SUPRÊME


I

Donc, du procès régulier, légal, fait à Dreyfus il ne reste rien. Il n’a été jugé, selon la loi, que sur une pièce, le bordereau. Or, il est démontré aujourd’hui que le bordereau n’est pas de Dreyfus, mais d’Esterhazy.

La seule base légale de l’accusation s’est effondrée : comment se peut-il que la condamnation soit encore debout ? C’est un défi à la justice !

Oh ! je sais bien que les adversaires de la revision, obligés de reconnaître que le bordereau est d’Esterhazy, mais voulant garder leur proie, se réfugient dans les plus extraordinaires sophismes. Je suis bien obligé de mentionner en passant le récit publié il y a quelques semaines par le Petit Marseillais ; car j’ai constaté que le récit avait trouvé créance auprès de beaucoup d’esprits ; il passe même, ce que vraiment je ne puis croire, pour la version suprême, pour l’expédient désespéré de l’État-Major


II

On dit qu’Esterhazy était attaché au service d’espionnage de la France, qu’en cette qualité il fréquentait les ambassades étrangères pour en surprendre les secrets, qu’il avait constaté la trahison de Dreyfus, mais que les preuves de cette trahison ne pouvant être données sans péril, il avait lui-même, d’accord avec l’État-Major, fabriqué le bordereau et que ce bordereau avait été ensuite de parti pris attribué à Dreyfus.