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Je ne parle pas ici des arguments qui ne sont pas ceux d’un témoin, qui serait plutôt ceux d’un avocat : par exemple si Dreyfus avait composé le bordereau à l’aide d’un calque, sachant sur qui il avait calqué, il aurait probablement dénoncé l’auteur de l’écriture, afin de se décharger sur quelqu’un dont il aurait ainsi fac-similé l’écriture. C’est un argument que je donne pour mémoire et qui ne rentre pas dans l’ordre d’une déposition.

Au point de vue du calque, je n’arrive pas à comprendre du tout comment il l’aurait exécuté. Il avait mille moyens beaucoup plus simples de dissimuler son écriture.

Je termine par un autre argument : le bordereau n’est pas signé : comment le destinataire pouvait-il savoir d’où venait le bordereau ? Pour le destinataire, la signature, c’est l’écriture ; cela voulait donc dire, pour le destinataire : c’est Esterhazy qui m’envoie le document. Voilà, messieurs, ce que j’avais à dire.


V

Que reste-t-il après cela de l’expédient désespéré des experts officiels du procès Esterhazy, imaginant qu’il y a eu décalque pour sauver Esterhazy, tout en avouant que le bordereau est de son écriture ?

On ne m’en voudra pas, si aride que puisse paraître cette discussion, de multiplier les citations. Aux procédés louches et de huis clos par lesquels Esterhazy a été sauvé, malgré l’évidence, il faut opposer la vérité lumineuse, les affirmations mesurées, motivées, fortes et publiques que, sous leur responsabilité, des hommes de science sont venus apporter devant le pays, pour éviter à la France, autant qu’il dépendait d’eux, la prolongation d’un crime.

Je tiens à soumettre encore au lecteur attentif et de bonne foi, qui cherche sérieusement la vérité, le témoignage de M. Giry, membre de l’Institut, professeur à l’École des Chartes et à l’École des Hautes Études.

Cette déposition est un modèle de conscience scientifique, de probité intellectuelle et morale :