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rité militaire, ont été contraints de retrouver dans le bordereau l’écriture d’Esterhazy, et qu’ils ont dû recourir, pour le sauver, à l’hypothèse du décalque.

Non ! autant qu’on le peut, on cache la vérité au pays, parce que même le peu de vérité que laissent échapper les experts ébranle et ruine le procès de 1894.


V

Bien mieux, même si on accorde un moment aux experts qu’il y a décalque, pourquoi ne pas appliquer à Esterhazy le système que Bertillon a appliqué à Dreyfus ?

Bertillon prétendait que Dreyfus avait décalqué lui-même des mots de sa propre écriture afin de pouvoir dire : Le bordereau a été décalqué ; il n’est pas de moi.

Mais alors il est possible aussi qu’Esterhazy ait lui-même décalqué sa propre écriture afin de se servir du même moyen de défense.

Donc, même dans l’hypothèse du décalque, Esterhazy n’est pas hors de cause, car le décalque peut être de lui.

Deux choses seulement sont certaines. La première c’est que l’expertise légale qui a condamné Dreyfus est ruinée par l’expertise légale du procès Esterhazy.

La seconde, c’est que, s’il y a eu décalque pour la confection du bordereau, Dreyfus n’en peut même pas être soupçonné, car, une fois encore, s’il avait décalqué l’écriture d’Esterhazy, c’eût été pour pouvoir l’accuser en cas de péril : or, il s’est laissé condamner et supplicier sans même essayer ce moyen de défense.


VI

Mais, par le huis clos sur les contre-expertises, l’État-Major n’a pas voulu seulement cacher au pays la contradiction décisive entre les expertises légales du procès