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Trois sur cinq des experts du procès Dreyfus reconnaissent dans le bordereau l’écriture de Dreyfus. L’un d’eux (Bertillon) ajoute que, s’il y a des différences, c’est que Dreyfus a décalqué l’écriture de son frère. Et il affirme encore que pour dérouter la justice et pouvoir alléguer que le bordereau est un faux, Dreyfus a décalqué sa propre écriture.

Mais voici maintenant que d’autres experts, examinant officiellement le bordereau, reconnaissent, au moins en partie, l’écriture d’Esterhazy. C’est là un fait nouveau, et, qu’il y ait eu décalque ou non, les conclusions des seconds experts infirment celles des premiers.

Les experts du premier procès ont expliqué le bordereau tout entier sans tenir compte de l’écriture d’Esterhazy ; les experts du second procès introduisent dans le bordereau l’écriture d’Esterhazy : il y a contradiction directe, et l’expertise de 1894, qui a condamné Dreyfus, ne tient plus.

C’est bien pour cela que dans la comédie du procès Esterhazy, le 10 janvier 1898, le huis clos a été prononcé sur les expertises d’écriture.

C’est vraiment prodigieux. Il y a eu une partie du procès, qui a été publique. Pourquoi ne pas comprendre les rapports et les dépositions des experts dans cette partie publique ? La sécurité de la France n’exigeait pas qu’on cachât au monde les conceptions graphologiques de MM. Couard, Belhomme et Varinard.

Non, si on les a cachées, c’est pour ne pas faire éclater aux yeux de tous la contradiction officielle entre les expertises du procès Dreyfus et celles du procès Esterhazy.

On n’a même pas voulu que le public pût savoir que les trois bons experts avaient reconnu dans le bordereau, au moins en partie, l’écriture d’Esterhazy. Et le cauteleux Ravary se borne à donner la conclusion brute : Le bordereau n’est pas l’œuvre d’Esterhazy.

Il n’ajoute aucun détail. Il se garde bien de dire que les experts, malgré leur bon vouloir à l’égard de l’auto-