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EXPERTISES CONTRADICTOIRES


I

« Mais, nous objectent les défenseurs d’Esterhazy, les trois experts commis, dans le procès d’Esterhazy, aux comparaisons d’écriture, ont conclu en faveur d’Esterhazy. Ils ont conclu, comme le dit le rapporteur Ravary : « Le bordereau incriminé n’est pas l’œuvre du commandant Valsin Esterhazy. Nous affirmons en honneur et conscience la présente déclaration. »

Qu’on ne se hâte pas de conclure, car, à l’examen, ce rapport, qui paraît innocenter Estherhazy, est accablant pour lui.

Dans quelle condition ont travaillé les trois experts, Couard, Belhomme et Varinard ? Zola a dit que s’ils n’ont pas reconnu l’identité de l’écriture du bordereau à celle d’Esterhazy, ils ont une maladie de la vue ou du jugement.

Zola s’est trop hâté ! Non, MM. Couard, Belhomme et Varinard ne sont pas nécessairement des incapables, mais ils opéraient dans des conditions tout à fait difficiles. D’un côté, ils étaient certainement frappés, comme tout le monde, comme Esterhazy lui-même, de la ressemblance effrayante du bordereau et de l’écriture d’Estherhazy.

Selon Esterhazy, cette ressemblance était telle que certainement il y avait eu décalque de son écriture. Les experts ne pouvaient être plus esterhaziens qu’Esterhazy : ils ne pouvaient pas nier, entre le bordereau et l’écriture d’Esterhazy, une ressemblance qui éclatait aux yeux et que lui-même avouait.