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l’État-Major du ministère de la guerre, me disant qu’il était chargé de faire une étude sur le rôle de la cavalerie légère dans la campagne de Crimée, qu’il savait que mon père avait commandé une brigade à Eupatoria, et il me demandait de lui envoyer les documents que je pouvais posséder sur cette époque. Je fis un petit travail de sept à huit pages in-folio, que j’ai envoyé à ce monsieur : le capitaine Brault, rue de Châteaudun.

D. Quel numéro ?

R. Je ne me le rappelle pas. Après avoir envoyé ce travail, j’ai été surpris de n’en pas recevoir de nouvelles. J’ai cherché au ministère de la guerre ; le capitaine Brault n’y était plus ; il était parti sans laisser d’adresse, mais j’ai su qu’il était en garnison à Toulouse. Je lui ai écrit, et il m’a répondu en me disant qu’il ne savait pas ce que je voulais dire. J’ai envoyé une lettre au chef d’État-Major général de l’armée en lui demandant de faire une enquête et de me confronter avec le capitaine Brault. Je n’ai pas eu de nouvelles de cette démarche.

D. Vous n’avez jamais retrouvé le capitaine Brault ?

R. Non, mon général.

D. Vous lui avez écrit une lettre et il vous a dit qu’il n’avait pas reçu les renseignements ?

R. Il m’a écrit qu’il ne les avait pas demandés.

D. C’est-à-dire que vous avez fini par retrouver le capitaine Brault, qui vous a déclaré ne vous avoir jamais rien demandé.

R. Parfaitement.

D. D’après les recherches faites on n’a pas trouvé, rue de Châteaudun, l’adresse du capitaine Brault, mais l’adresse qui s’en rapprochait le plus est celle de M. Hadamard, beau père de M. Dreyfus.

Tout cela est invraisemblable jusqu’à l’absurde. Tout cela est criant de mensonge.

Voici ce que veut dire Esterhazy. Il suppose que Dreyfus a voulu, pour décalquer son écriture, se procurer un fragment de lui assez étendu. Il suppose que pour cela Dreyfus lui a tendu un piège. Il lui a écrit ou il lui a fait écrire une lettre faussement signée du nom du capitaine Brault, avec une adresse fausse.