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Et il explique alors comment des morceaux plus étendus de son écriture avaient pu être utilisés par Dreyfus.

Je vais discuter à l’instant cette explication. Mais je m’arrête une minute pour souligner, une fois de plus, les aveux grandissants d’Esterhazy.

Non seulement il avoue que le bordereau suppose un décalquage de son écriture, non seulement il reconnaît ainsi que son écriture est identique à celle du bordereau, mais il avoue que cette identité ne se marque pas seulement dans un petit nombre de mots, mais qu’elle s’étend à l’ensemble du bordereau.

Si le décalquage, en effet, n’avait été que partiel, s’il n’avait porté que sur quelques mots, il suffirait pour l’expliquer que Dreyfus eût eu en sa possession de courts morceaux d’écriture d’Esterhazy.

Mais Esterhazy a bien vu le péril. Il a bien vu que le bordereau était de son écriture, du premier mot au dernier. Il a pensé qu’un jour peut-être un juge moins complaisant pourrait lui en demander compte, et alors il a eu recours à une invention nouvelle, à un mensonge nouveau pour expliquer que Dreyfus ait pu avoir en main un fragment étendu de son écriture.

Ce nouveau mensonge nous allons l’analyser et le percer à jour, afin de forcer le traître, comme dirait Bertillon, dans ses derniers retranchements.


V

Donc, devant le Conseil de guerre auquel il a eu l’audace de débiter l’histoire de la femme voilée, voici le roman graphologique qu’il a conté. Je cite en entier, si impudent que cela soit. (Compte rendu du procès Esterhazy.)

Je me suis souvenu qu’au mois de février 1893 j’ai reçu à Rouen, où j’étais alors, une lettre d’un officier attaché à