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Il se pourvoit en cassation et il se tait !

Il laisse la France entière s’ameuter contre lui ! Il laisse se former contre lui une force terrible de mépris et de haine ; il se laisse emmener à l’île de Ré, puis à l’île du Diable ; il subit les pires tortures, et lui qui, d’après vous, aurait tout calculé pour rejeter le bordereau sur Esterhazy, il n’a pas essayé une minute le système de défense et de diversion qu’à tout hasard il avait minutieusement préparé !

C’est seulement quelques années après, du fond lointain de l’île du Diable qu’il fait jouer le prétendu ressort qu’il avait si ingénieusement monté !

Pourquoi donc a-t-il attendu ? Pourquoi ne s’est-il pas défendu tout de suite ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Il est impossible de répondre, et pour qu’Esterhazy, écrasé par l’identité de son écriture à celle du bordereau, osât imputer à Dreyfus un décalquage dont celui-ci, au moment décisif, n’a point tiré parti pour se défendre, il a fallu qu’Esterhazy comptât sans mesure, sans limite, sur l’imbécillité de notre pays et sur la complicité de l’État-Major, domestiquant pour lui l’opinion jusqu’à la plus basse et la plus niaise crédulité.


UN MENSONGE
I

Pourtant Esterhazy comprend qu’il doit tenter une explication : et voici l’ineptie qu’il nous propose.

Il nous dit dans l’article de la Libre Parole : « L’événement ne réalisa pas les espérances de Dreyfus. Par suite de circonstances restées jusqu’ici incomplètement expliquées, et qui tiennent sans doute à ce qu’il ne con-