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Pourquoi dans l’article de la Libre Parole du 15, pourquoi ensuite devant le Conseil de guerre Esterhazy a-t-il déclaré que le bordereau avait été fait avec des décalques de son écriture ?

Pourquoi est-ce à cette explication imprudente et périlleuse que se sont arrêtés les experts du procès Esterhazy, conseillés par l’État-Major ?

Pourquoi ? C’est qu’entre l’écriture d’Esterhazy et l’écriture du bordereau, la ressemblance est trop complète, trop évidente pour que le système de Pauffin de Saint-Morel et de Rochefort puisse suffire. Dans ce système, en effet, on peut bien expliquer une certaine ressemblance entre l’écriture du bordereau et celle d’Esterhazy. Le hasard peut amener, entre deux hommes, une analogie d’écriture assez marquée. Mais ce qu’on ne peut expliquer ainsi, c’est la ressemblance absolue, l’identité complète.

Quand il y a rencontre fortuite entre l’écriture de deux hommes, il y a toujours quelque trait où se trahit la différence de main.

Or, entre l’écriture du bordereau et celle d’Esterhazy, la ressemblance est entière, trait pour trait, point pour point ; il n’y a pas un détail, si léger soit-il, qui diffère.

Voilà pourquoi Esterhazy et l’État-Major ont dû renoncer au système moins dangereux, mais trop insuffisant dont parle encore, le 16 novembre, M. Pauffin.

Et, pour Esterhazy lui-même, la ressemblance de son écriture à celle du bordereau est si absolue que, pour se défendre, il est obligé d’imaginer qu’il y a eu décalque.

J’ai donc le droit de dire qu’en ce qui concerne l’identité d’écriture, l’aveu est complet. Et s’il n’y a pas eu décalque, Esterhazy est convaincu d’être l’auteur du bordereau.