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celle du bordereau, et qu’il avait fini par faire choix de celle d’Esterhazy, qui était la plus ressemblante. C’est cette explication, c’est ce moyen de défense que, dans la soirée du 16 novembre, le commandant Pauffin de Saint-Morel apporta chez M. Rochefort ; M. Rochefort la donnait aussitôt dans l’Intransigeant et il précisait encore dans son interview à la Patrie (17 novembre) :


Dans son article de ce matin, M. Henri Rochefort parle de cinquante autographes d’un nombre égal d’officiers, qui auraient été réunis par le syndicat Dreyfus, et parmi lesquels un choix aurait été fait pour servir les desseins des amis du traître.

Nous nous sommes rendus chez le rédacteur en chef de l’Intransigeant pour lui demander des explications sur ce passage de son article.

Le célèbre polémiste s’est obligeamment mis à notre disposition, et voici les renseignements d’une importance capitale, ainsi qu’on va en juger, qu’il a bien voulu nous fournir :

― Ce que je dis dans mon article de ce matin, je le tiens d’un officier supérieur occupant une très haute situation au ministère de la guerre dans le service de l’État-Major général… Il m’a dit, presque mot pour mot, ceci :

« Nous savons, au ministère de la guerre, que le comité constitué pour travailler au sauvetage de Dreyfus a fait démarches sur démarches, depuis près de deux ans, pour réunir un certain nombre d’autographes, une cinquantaine environ, provenant d’officiers susceptibles de remplir les conditions morales et matérielles nécessaires pour être substitués, au besoin, au traître. Parmi les autographes, un, après mûr examen, fut mis à part : il était de la main du commandant Esterhazy.

« L’écriture du commandant a, en effet, une certaine analogie avec celle du traître.

« De là, le choix qui fut fait par les amis de Dreyfus. »


Ainsi parlait le commandant Pauffin de Saint-Morel au clairvoyant M. Rochefort, et le clairvoyant M. Rochefort n’a pas vu qu’il y avait contradiction grossière entre le système de défense exposé par le commandant Pauffin de