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bordereau. Bien mieux, il ne croit pas possible que cette identité soit contestée.

Observez qu’au moment où il écrit, il n’a pas encore été officiellement dénoncé ; il ne peut même pas savoir au juste s’il passera en jugement.

En tout cas, son écriture comparée à celle du bordereau, n’a pas été soumise à une expertise d’écriture officielle. Si donc la ressemblance entre son écriture et celle du bordereau n’était pas lumineuse, éclatante, effrayante, s’il y avait la possibilité d’un doute, il attendrait que les experts se prononcent.

Mais non : Esterhazy est tellement sûr que, dès qu’on regarde le bordereau, on est obligé de dire : « C’est l’écriture d’Esterhazy », qu’il prend les devants et qu’il dit : « Oui, c’est mon écriture, mais elle a été décalquée ».

Décalquée ? Nous verrons tout à l’heure si elle l’a été, si elle a pu l’être. Mais ce que nous avons le droit de retenir tout d’abord, c’est que, de l’aveu même d’Esterhazy, le bordereau est fait avec des mots de l’écriture d’Esterhazy.

Cette première concession est dangereuse pour lui : car s’il ne parvient pas à démontrer que l’écriture du bordereau a été. décalquée en effet, s’il ne fait pas accepter l’explication extraordinaire qu’il propose, il ne restera décidément qu’une chose : c’est que le bordereau est de son écriture et, par conséquent, qu’il est de lui.


IV

Ce péril avait été vu par les amis d’Esterhazy, par les hommes de l’État-Major, qui voulaient à tout prix sauver le traître. Et ils avaient songé d’abord à une autre explication.

Ils voulaient dire qu’après la condamnation de Dreyfus, le Syndicat des traîtres avait cherché, parmi toutes les écritures d’officiers, celle qui ressemblerait le plus à