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Picquart) fut « définitivement embauché en février 1896 ». Celui-ci s’appliqua à transformer en trahison les désordres d’Esterhazy.


D’un prodigue il voulut faire un traître ; il lui attribua le bordereau.

Pour cela il constitua un dossier dans lequel il introduisit :

1o Les spécimens d’écriture achetés à des subalternes ;

2o Des pièces fausses provenant soi-disant d’une ambassade ;

3o Une pièce compromettante, émanant soi-disant de la victime adressée à un diplomate et fabriquée avec un art merveilleux, si merveilleux que X… eut le tort sans doute d’en rêver tout haut…


III

Voilà, je le répète, à la date du 15 novembre 1897, le système de défense d’Esterhazy.

Que cet article soit de lui ou inspiré par lui, cela est évident : car qui donc, avant que le nom d’Esterhazy eût été publiquement prononcé, pouvait s’occuper de la défense préventive d’Esterhazy, sinon Esterhazy lui-même ? D’ailleurs, comme nous le verrons tout à l’heure, c’est le même système de défense qu’il a publiquement produit devant le Conseil de guerre.

J’ose dire que jamais aveu de culpabilité ne fut plus éclatant. Et j’ose dire aussi que jamais on n’offrit à la crédulité d’un pays un roman aussi absurde.

Mais Esterhazy et ses amis de l’État-Major qui, quelques jours après, allaient raconter sérieusement la fable ridicule de la Dame voilée, savaient qu’ils pouvaient tout se permettre. D’avance, les grands chefs couvraient tout ; d’avance, les journaux de l’État-Major acceptaient tout.

Il vient pourtant une heure où les plus crédules se réveillent et où ils regardent ; que l’on veuille donc regarder le récit d’Esterhazy dans la Libre Parole.

Il en résulte d’abord qu’Esterhazy ne conteste pas la ressemblance, l’identité de son écriture avec celle du