Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je demande aux hommes de bon sens de comparer l’acte d’accusation qui a abouti à la condamnation de Dreyfus à l’acte d’accusation qui pouvait, dès le mois de septembre 1896, être dirigé contre Esterhazy.

Dans l’acte d’accusation contre Dreyfus, rien, absolument rien, en dehors du bordereau ; une seule charge : la ressemblance incomplète, d’après l’acte d’accusation lui-même, de l’écriture de Dreyfus à l’écriture du bordereau.

Au contraire, un ensemble de charges précises, terribles, décisives, pèse sur Esterhazy. Pendant que la vie de Dreyfus est régulière et sobre et qu’il n’a aucun besoin d’argent, Esterhazy, toujours à court d’argent, toujours dans les affaires de Bourse, le jeu et le désordre, glisse d’expédient en expédient.

Pendant qu’aucune relation, directe ou indirecte, ne peut être établie entre M. de Schwarzkoppen et Dreyfus, Esterhazy est obligé d’avouer qu’il a vu M. de Schwarzkoppen.

Pendant qu’aucune pièce, qu’aucun document n’établit qu’il y ait eu correspondance entre M. de Schwarzkoppen et Dreyfus, une carte-télégramme saisie à la légation militaire comme le bordereau, authentique comme le bordereau, démontre que M. de Schwarzkoppen se renseignait auprès d’Esterhazy.

Pendant que rien, dans la nature des documents ou notes mentionnés au bordereau, n’indique que Dreyfus ait été, plus que n’importe qui, en état de les livrer, il se trouve que les documents qu’Esterhazy a cherché à se procurer sont exactement ceux qui, d’après la police du ministère de la guerre, ont été livrés à un attaché militaire par un officier supérieur âgé de cinquante ans.

Pendant qu’aucune pratique suspecte ne peut être relevée contre Dreyfus, Esterhazy, à qui sa vie de dissipation et de perpétuels soucis ne laisse ni le loisir ni le goût de l’étude, emploie pourtant des secrétaires, en permanence, pour copier des documents, et le bordereau