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de trahison, que l’on rapproche son écriture des nombreuses pièces anonymes saisies par la police de renseignements.

Le colonel Picquart demande donc au colonel du régiment d’Esterhazy des lettres de service de celui-ci, et, quand il les a en mains, il est frappé, on peut dire sans excès, il est foudroyé par la ressemblance complète, décisive, irrésistible de l’écriture d’Esterhazy et de l’écriture du bordereau.

Comme nous l’avons déjà vu, il soumet ces lettres, sans en montrer les signatures aux deux enquêteurs, qui menèrent le procès contre Dreyfus, à Bertillon et à du Paty de Clam.

Tous les deux, à l’instant, sans hésitation aucune, sans réserve aucune, reconnaissent l’écriture du bordereau.

Bertillon apprend avec surprise que ces lettres sont postérieures à la condamnation de Dreyfus.

Et il dit ceci au colonel Picquart : « Les juifs ont payé un officier pour qu’il se donne l’écriture du bordereau. »

En soi, le propos était absurde, mais il suffit à démontrer qu’aux yeux de l’enquêteur qui, par son rapport d’expertise, a décidé l’accusation contre Dreyfus la ressemblance entre l’écriture du bordereau et l’écriture d’Esterhazy était complète.

Du reste, comme nous allons le voir, Esterhazy lui-même a reconnu la ressemblance « effrayante » de son écriture à celle du bordereau, comme il a reconnu en alléguant divers prétextes, qu’il avait été plusieurs fois voir M. de Schwarzkoppen.

Il a avoué dans des interviews aux journaux amis, à la Libre Parole, à l’Éclair, à l’Écho de Paris.


III

Donc, à ce point de l’enquête, et l’écriture du bordereau apparaissant identique à celle d’Esterhazy, voici où nous en sommes :