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par écrit, pour pouvoir juger si je puis continuer mes relations avec la maison R…, ou non.

Monsieur le commandant Esterhazy, 27, rue de la Bienfaisance, à Paris.

Cette lettre était signée C… Son authenticité n’était pas douteuse ; car, je le répète, elle était apportée directement de la légation militaire allemande, de la même façon que le bordereau.


III

En soi, par son contenu, cette carte-lettre était bien loin d’être décisive, et certes, elle ne suffirait pas à démontrer la trahison d’un homme. Cependant, il sera bien permis de dire que les adversaires de Dreyfus triompheraient bruyamment s’ils pouvaient produire contre lui une pièce de cette gravité, un indice de cette valeur. En tout cas, elle démontre au moins qu’entre l’attaché militaire allemand, M. de Schwarzkoppen, et le commandant Esterhazy, il y avait des relations louches.

Ce n’était pas assez pour conclure contre le commandant Esterhazy : c’était assez pour ouvrir une enquête sur lui.

C’est ce que fit tout de suite le lieutenant-colonel Picquart. Là est le crime qu’on ne lui a pas encore pardonné.

Aujourd’hui, l’Etat-Major protecteur d’Esterhazy et les journaux à sa dévotion, pour affaiblir l’effet de cette première pièce, insinuent qu’elle est un faux.

Ils insinuent qu’elle pourrait bien avoir été fabriquée par le lieutenant-colonel Picquart lui-même. Et ils invoquent pour cela deux arguments misérables.

Ils disent que le colonel Picquart, en priant son subordonné le capitaine Lauth de photographier cette pièce, lui a recommandé de faire disparaître sur la photographie les traces de déchirure.