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Comme le bordereau, elle avait été saisie à la légation militaire allemande. Elle était apportée par le même agent, par le même serviteur de la légation, qui avait apporté le bordereau.

Et comme le bordereau, elle était apportée coupée en menus morceaux.

C’était là une précaution toute naturelle pour couvrir l’agent qui servait la police française. S’il avait remis au service des renseignements les documents entiers, non déchirés, ces documents, passant sous les yeux de plusieurs personnes dans les bureaux, auraient été aisément reconnus : leur provenance eût été ainsi connue et la moindre indication, la moindre imprudence pouvait perdre l’agent qui la livrait.

Au contraire, quand ils arrivaient en petits morceaux, ils ne prenaient de sens qu’une fois reconstitués ; et seul, le chef du service des renseignements et les deux officiers qui l’assistaient dans le travail de reconstitution étaient au courant.

Voilà comment le bordereau était parvenu au ministère en octobre 1894, coupé en morceaux ; voilà comment la lettre de l’attaché militaire à Esterhazy parvint en mai 1896, coupée en morceaux, et par les mêmes voies que le bordereau.


II

Nous connaissons officiellement le texte de ce document qu’on a appelé le petit bleu, parce que, au procès d’Esterhazy, le général de Luxer, président du Conseil de guerre, en a donné connaissance dans la partie publique du procès.

Le voici :

J’attends avant tout une explication plus détaillée que celle que vous m’avez donnée, l’autre jour, sur la question en suspens. En conséquence, je vous prie de me la donner