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lui sans doute d’autres vont venir : et dans l’antique domaine que se réservait l’aristocratie cléricale exclue un moment des autres fonctions, voici que l’intrus va s’installer.

Vite il faut couper court au scandale. Tout d’abord des rumeurs vagues, des théories générales sont propagées : par quelle imprudence la nation française accueille-t-elle, au centre même de son institution militaire, la race maudite, le peuple de trahison qui, ne pouvant plus crucifier Dieu retiré dans les hauteurs, va crucifier la Patrie ? Et aussitôt qu’à l’État-Major des fuites de documents sont constatées, c’est vers le juif que se tournent secrètement les yeux :

Ah ! quelle chance si c’était lui ! Ah ! quelle faveur de la Providence, quelle grâce divine si dans le premier juif qui viole de sa seule présence le sanctuaire de l’État-Major la trahison s’était logée ! Par lui et en lui tous les autres seraient à jamais discrédités.

Aussi, quand du Paty de Clam constate entre l’écriture du bordereau et l’écriture de Dreyfus quelques vagues analogies, toutes ces haines sournoises, ayant trouvé leur centre, se précipitent et s’organisent. C’est la soudaine cristallisation de la haine.

Dans quelle mesure du Paty de Clam et Henry, les deux meneurs du procès Dreyfus, furent-ils