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Trop tard, messieurs !

Ce n’est pas après le procès, ce n’est pas après la condamnation qu’il fallait reconnaître et désavouer l’aberration de cet homme. Vous le raillez maintenant mais vous vous êtes servis de sa déraison pour condamner l’innocent.

Étrange justice qui en est réduite à rejeter, avec mépris le lendemain, les instruments d’accusation dont elle a usé.

A les rejeter et à les cacher. Car le lendemain, le ministère de la guerre signifiait à Bertillon qu’il eût à se taire. Et il se refusa, par ordre, à expliquer publiquement sa méthode.

Pauvre outil faussé que l’on jette au loin ou qu’on enfouit sous terre quand une fois l’attentat est consommé !

Mais quoi que fassent les officiers, mêlés comme enquêteurs ou comme juges au procès Dreyfus, ils ne peuvent plus se séparer de Bertillon ; ils restent éternellement solidaires de lui. S’ils ont pris son système au sérieux, sa déraison est leur déraison, et s’ils ne l’ont pas pris au sérieux, s’ils s’en sont servis, sans y croire, ce qui est déraison chez lui est crime chez eux.


III

Mais admirez l’inconscience des accusateurs. Quelque jugement que l’on porte sur la méthode de M. Bertillon, elle est tout à fait particulière. Il ne s’agit plus avec lui d’une expertise d’écritures ordinaire ; il le déclare lui-même devant la cour d’assises (page 406) :

« J’ai des preuves qui ne sont pas précisément des preuves graphiques. je n’ai pas confiance dans l’expertise des écritures ; je crois que c’est une chose qui est bonne pour une élimination, mais qu’ensuite il faut faire table rase ! »

Ainsi, il n’y a rien de commun entre le travail fait par M. Bertillon et le travail fait par les quatre autres experts. MM. Charavay, Teyssonnières, Gobert, Pelletier, ont