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faux que toujours et en tout cas il y ait entre officiers cette solidarité étroite.

Oui, quand ils ont à se défendre contre les civils ou contre les simples soldats, ils font bloc. Mais il existe entre eux de terribles rivalités de carrière, d’amour-propre et d’ambition. Que de fois sur le champ de bataille même les généraux se sont trahis les uns les autres, pour ne pas laisser à un rival tout l’éclat de la victoire !

Or, depuis quelques années, il y avait dans l’armée d’implacables luttes de clan. Le parti clérical, ayant perdu pendant la période républicaine de la République la direction des administrations publiques, des services civils, s’était réfugiés dans l’armée. Là, les anciennes classes dirigeantes, les descendants de l’armée de Condé se groupaient en une caste hautaine et fermée. Là, l’influence des jésuites, recruteurs patients et subtils de la haute armée, s’exerçait souverainement. Fermer la porte à l’ennemi, au républicain, au dissident, protestant ou juif, était devenu le mot d’ordre.

Depuis des années, la presse catholique signalait le nombre croissant des juifs qui par l’École polytechnique ou l’École de Saint-Cyr entraient dans l’armée. Drumont avait allumé une sorte de guerre civile contre les officiers juifs.

Or, voici qu’un juif pénètre, le premier de sa race, à l’État-Major, au cœur même de la place. Après