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sang de ses veines ? Ils ne peuvent alléguer que les hommes des sept dernières classes de la réserve seraient débiles ou pesants et qu'ils alourdiraient l'armée de combat : car de vingt-cinq à trente-trois ans, c'est l'âge précisément où l'organisme humain est le plus capable d'un grand effort, car il a presque toute la souplesse de la première jeunesse et plus de résistance.

Ils ne peuvent pas prétendre que les hommes trop éloignés de leur période de caserne sont déshabitués de l'état de soldat et de l'action militaire ; car s'il est vrai qu'un régime qui impose à tous les citoyens deux années de caserne et des appels périodiques est presque sans vertu au bout de quatre ans, et qu'il aboutit à faire des hommes de trente ans, même des hommes de vingt-sept ans, de quasi-indisponibles qui ne pourraient plus que se traîner. sur les béquilles de la territoriale et qui seraient incapables de courir au combat, d'ajouter à la masse et à la rafale des feux qui accueilleraient l'invasion, si cela est vrai, il n'y a pas de plus terrible condamnation du régime incohérent et absurde qui accable la première jeunesse d'un inutile fardeau de pseudo-éducation militaire et qui néglige ensuite beaucoup trop d'entretenir, chez les hommes libérés de la caserne, les facultés d'action.

Mais, même avec ce déplorable régime, cela n'est pas vrai, au point d'excuser le retranchement d'un million d'hommes, cette mutilation de la patrie combattante, amputée de la moitié de sa force et plus cruellement blessée, avant la bataille, par le système de ses chefs politiques et militaires qu'elle ne pourrait l'être, dans la bataille même et la plus désastreuse, par l'implacable effort de ses ennemis. Non : mais c'est le fantôme héroïque et étriqué de la vieille armée qui vient rôder sur les confins du champ de bataille et qui en écarte, au nom du passé, un million de combattants.

Ils disent, il est vrai, pour la France, comme l'a dit récemment pour l'Allemagne le ministre de la guerre allemand von Einem, comme l'avait dit avant lui, il y a