tion, à mesure que se développent et s’organisent les éléments d’une société nouvelle ; mais il a été, dans toute la période où il s’est constitué, une force immense de progrès. Et aujourd’hui encore, bien que sa puissance de compression et d’exploitation soit vivement ressentie par le prolétariat qui monte, il reste une grande force de mouvement. En suscitant, en organisant les forces productrices, il accroît le patrimoine humain qui deviendra, par l’appropriation collective, le patrimoine des travailleurs eux-mêmes ; et par l’accroissement des masses prolétariennes en qui s’élabore un esprit nouveau, il rend possible la révolution de propriété qui libérera les hommes. À aucun moment, le capitalisme n’est une pure force de résistance, une force de réaction sans mélange. Tout à la fois, par une action indivisible, il abaisse et il élève, il asservit et il émancipe, il exploite et il enrichit.
Ce n’est pas par la contrainte matérielle, ce n’est pas par la brutalité physique qu’il s’est imposé et qu’il se maintient. Sans doute, il a usé souvent et il use encore des forces brutes de l’État. Ce sont des lois de contrainte, sous Elisabeth, qui ont contribué à fixer dans les ateliers, à courber sous la discipline nouvelle des manufactures, les milliers de travailleurs arrachés à la vie plus libre ou aux habitudes moins strictes de la campagne. C’est la force du sabre et du fusil qui protège l’usine contre les ouvriers en révolte. Mais si la force brutale intervient au service du capitalisme, elle ne le constitue pas, et ce n’est pas elle au fond qui le soutient. La force intervient ça et là pour assurer, dans le détail, le fonctionnement du mécanisme, pour protéger tel ou tel rouage, pour aider à la formation de telle ou telle habitude. Mais ce n’est pas sur la contrainte que le régime repose essentiellement. En fait, même les pauvres travailleurs soumis au dur statut d’Elisabeth étaient chassés des champs vers les villes beaucoup plus par l’effet des transformations agricoles qui substituaient en Angleterre les pâturages aux labours, que par la violence des shérifs ou des archers. Et ils ne tardaient pas à