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que la France ne désespérait point d'elle-même, certes il ne faisait point par là profession de foi républicaine, il n'entrait pas dans toute la pensée politique de Gambetta ; mais il constatait, dans la tradition révolutionnaire de la France continuée en République, une grande force d'élan national que comme soldat il n'avait pas le droit de méconnaître. De même, dans les temps nouveaux où nous entrons, c'est comme soldats, c'est comme défenseurs de la nation, c'est comme chefs responsables du salut de la patrie et de l'autonomie de la France, que les officiers vraiment conscients de toute la grandeur de leur mission apprendront aussi à reconnaître les réserves d'énergie morale et de salut national concentrées dans le prolétariat socialiste et internationaliste, d'autant plus résolu à défendre la nation qu'il aura fait d'elle la nation de la paix.

Quand ils auront bien reconnu que la force de l'armée, comme institution de défense, est dans son union étroite avec la nation productrice, avec le peuple travailleur, avec la force idéaliste et enthousiaste du prolétariat, ils comprendront aussi l'excellence du système d'organisation militaire que propose le socialisme et qui a pour objet de confondre vraiment la nation et l'armée.

Ils comprendront l'excellence de la diplomatie de paix qu'il veut constituer selon des règles certaines. L'organisation de la défense nationale et l'organisation de la paix internationale, sont solidaires.

Tout ce que la France fera pour ajouter à sa puissance défensive accroîtra les chances de paix dans le monde. Tout ce que la France fera dans le monde pour organiser juridiquement la paix et la fonder immuablement sur l'arbitrage et le droit ajoutera à sa puissance défensive. C'est pourquoi je présente indivisément des projets organisant la défense et organisant la paix ; je ne veux pas seulement travailler de la sorte à propager des idées, à créer des tendances d'esprit. Je ne me livre pas simplement à une manifestation doctrinale, et mon unique objet n'est pas de dissiper des malentendus dont souffriraient également