Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.

société où le peuple, la masse des travailleurs est économiquement dominée par une minorité détentrice de la propriété et du capital, pour plus ou moins libre qu’elle paraisse, considérée politiquement, ne pourra jamais produire que des élections illusoires, anti-démocratiques et absolument opposées aux besoins impérieux, aux instincts et à la volonté réelle des peuples. »

Dans les Lettres à un Français sur la crise actuelle (1870), il écrivait : «… Je suis ennemi de la révolution par décrets, parce que c’est une conséquence et une application de l’idée de l’État révolutionnaire — la réaction y manœuvrera sous le couvert des apparences de la révolution. Au système des décrets révolutionnaires j’oppose celui des faits révolutionnaires, le seul qui soit efficace, logique et vrai, en dehors de toute intervention officielle ou autoritaire quelconque… »

« Que doivent donc faire les autorités révolutionnaires ? — tout en souhaitant qu’il y en ait le moins possible — que doivent-elles faire pour étendre et organiser la révolution ? Elles ne doivent pas la faire elles-mêmes par décret, ne pas l’imposer aux masses, simplement la provoquer dans les masses. Elles doivent, non imposer aux masses populaires une organisation quelle qu’elle puisse être, simplement provoquer qu’elles s’organisent autonomiquement de bas en haut, travaillant avec l’aide de l’influence individuelle des hommes les plus intelligents de chaque localité, afin que l’organisation soit le plus possible conforme aux véritables principes. — Tout le secret du résultat est là.

« Que ce travail doive rencontrer d’immenses difficultés, qui pourrait en douter ? Mais croit-on par hasard que la Révolution soit chose aisée et qu’elle se peut accomplir sans vaincre de grandes difficultés ? Les révolutionnaires socialistes de notre époque ne doivent pas imiter les procédés révolutionnaires des Jacobins de 1793. La routine révolutionnaire les perdrait. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Il est nécessaire que la Révolution sociale soit précédée d’une tempête révolutionnaire, d’un déchaînement de haine contre la tyrannie, pour préparer l’ordre nouveau, en détruisant dans les esprits et dans les faits tout ce qui a été la partie constitutive de la vieille civilisation. Il est nécessaire qu’une destruction colossale passe sur le monde pour rompre la cohésion administrative, juridique, politique et religieuse ; il est nécessaire que tous les éléments sociaux soient mêlés, confondus, dispersés, que l’axe de la pensée et de l’activité humaines soit changé pour que l’initiative des masses populaires ne rencontre plus que des matériaux épais quand il faudra refaire. C’est ainsi que l’égalité communale, l’organisation fédérative, l’harmonie universelle, le libre essor de tous les êtres remplaceront notre civilisation égoïste, autoritaire.

Dans le Manifeste du Parti Communiste, Karl Marx et Engels, avaient nettement indiqué quel rôle devait s’assigner le prolétariat :

« Le premier acte d’une révolution ouvrière doit être l’élévation du prolé-