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Les Droites revinrent à Versailles, aigries plus que jamais, désireuses d’agir ; émues des sentiments d’hostilité qui s’étaient manifestés partout ; des discours prononcés par Gambetta ; incapables de pardonner à M. Thiers l’acte audacieux qu’il avait commis en donnant une grande soirée dans les salons de l’Élysée ; c’était pour elles une manifestation en faveur du retour à Paris.


CHAPITRE XIV


La session d’Avril. — Première escarmouche, — Les marchés de l’Empire. — Discours de MM. d’Audiffret-Pasquier et Gambetta. — Intervention de M. Rouher. — Les capitulations de Sedan et de Metz. — La loi militaire. — Un bilan.


La session qui allait s’étendre du 22 avril jusqu’au 3 août, se présentait très chargée, très importante à tous les points de vue. La majorité de l’Assemblée allait-elle céder au courant d’opinion qui, durant les vacances parlementaires, venait de se manifester si nettement ? « République et dissolution », telles étaient les deux idées qui se dégageaient de ce courant. À d’autres représentants, choisis sous d’autres impressions que celles qui avaient pesé, en février 1871, sur le suffrage universel, la tâche de réorganiser le pays ; il en avait grand besoin. Pour cette œuvre vitale, il importait que la forme du gouvernement fut nettement établie et placée hors de portée des conspirateurs.

Le pouvoir exécutif, lui-même, allait-il prendre une attitude franche ? Son chef, M. Thiers, sinon constitutionnellement, du moins moralement, était armé, par suite de l’adhésion républicaine évidente de la majorité de la nation, pour s’orienter à gauche, plus près du centre sans doute que de l’extrême-gauche, mais certain de trouver dans la lutte contre la réaction l’appui de toutes les forces républicaines. Une partie grave allait se jouer, tout le monde le comprenait et le déroulement en allait être suivi avec une attention inquiète.

Une première et assez vive escarmouche marqua le début de la session ; il fut pour confirmer que les droites, fidèles à leurs traditions, n’avaient rien oublié, rien appris, pour affirmer aussi que le pouvoir exécutif, loin de profiter de l’appui ouvertement donné par le pays, ne sortait pas de ses indécisions, de ses perpétuelles oscillations.