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les bonapartistes étaient des hommes d’action, sans scrupules, et ils comptaient de nombreux partisans dans l’armée. Le Cabinet, par l’organe de M. Victor Lefranc, ministre de l’Intérieur, déposa un projet de loi tendant à « assurer la sécurité de l’Assemblée et du Gouvernement », mais il ne fut jamais discuté, et l’Assemblée, fort troublée, fort indécise, — les Droites irritées de l’avortement de toutes leurs combinaisons, — se sépara le 29 mars. Avant la clôture de la session, elle avait voté la loi contre l’Internationale et le budget de l’année 1872.


CHAPITRE XII


Blanqui devant la justice militaire. — Attitude du vieux révolutionnaire. — Pourquoi on veut le frapper. — Lois contre l’Internationale et sur la déportation. — Intervention de Louis Blanc.


En février, c’est-à-dire environ un mois avant que l’Assemblée nationale votât la loi contre l’Internationale, dont nous aurons à parler tout spécialement, s’était déroulée, devant le 4e Conseil de guerre siégeant à Versailles, la première phase du procès intenté à Auguste Blanqui, pour la part prise par lui aux événements du 31 octobre, déchaînés, on le sait, par l’annonce de la capitulation de Bazaine et de la reddition de Metz. Nous ne pouvons nous attacher à retracer la grande figure du grand révolutionnaire ; l’espace nous fait défaut. Cette carrière mémorable, douloureuse, poignante, a été admirablement étudiée, retracée par G. Geoffroy dans son beau livre L’Enfermé.

Ce fut le 15 février que Blanqui, arrêté, au mépris de la parole jurée, de la convention intervenue à l’Hôtel de Ville, à Bretonneux, dans le département du Lot, emprisonné malgré son état de santé très précaire, comparut devant la justice militaire. Le colonel Robillard présidait ; le commandant Bourboulon, remplissait les fonctions de commissaire du gouvernement.

Voici la description qu’en fait le rédacteur de la Gazette des Tribunaux, journal peu suspect de sympathie envers l’homme dont la vie s’était presque entière écoulée dans les geôles de tous les gouvernements, monarchie, empire, république :

« C’est un vieillard petit et fort maigre, ses cheveux et sa barbe d’une grande blancheur sont longs et donnent à sa physionomie un aspect tout à fait original. Mais ce qui est le plus remarquable dans cet homme, qui a passé les trois quarts de sa vie en prison, chez ce vétéran de l’insurrection, conspi-