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Batbie portait : « Considérant que l’Assemblée, dans sa résolution d’hier, s’est bornée à réserver une question économique, que son vote ne peut être, à aucun titre, regardé comme un acte de défiance ou d’hostilité, et ne saurait impliquer le refus du concours qu’elle a toujours donné au Gouvernement, l’Assemblée, fait un nouvel appel au patriotisme de M. le Président de la République, et déclare ne pas accepter sa démission ».

Les Droites — tenant à l’écart le parti bonapartiste, qui faisait un effort considérable pour se reconstituer dans l’Assemblée et dans le pays — avaient été prises au dépourvu par la démission de M. Thiers ; elles résolurent de s’organiser d’une façon sérieuse, afin de se trouver prêtes si une nouvelle occasion d’agir se présentait ; cette occasion, elles la feraient naître au besoin. La grande difficulté à vaincre c’était de grouper en un seul faisceau toutes les forces royalistes de l’Assemblée, de réaliser ce que l’on baptisa la « fusion ». Il fut même question du duc d’Aumale comme chef du pouvoir exécutif. Il ne manquait que l’agrément du comte de Chambord, qui se trouvait à Anvers. Le général Ducrot, le même qui avait déclaré le jour d’une sortie, au cours de laquelle son incapacité notoire éclata, qu’il ne rentrerait que « mort ou victorieux », et qui rentra dans Paris bien vivant et battu, s’était rendu auprès de lui pour le supplier de renoncer au drapeau blanc. La démarche fut inutile. D’autres notabilités revinrent à la charge, mais en vain. Ces négociations se traduisirent par un avortement solennel, et leur conclusion la plus nette, fut que le comte de Chambord fut obligé de quitter Anvers. Les royalistes, une fois de plus, se trouvaient désemparés.

Les bonapartistes, plus capables d’action, malgré la solennelle mais trop platonique flétrissure infligée par la quasi-unanimité de l’Assemblée nationale, à Bordeaux ; malgré les revers, la présence humiliante, poignante, des troupes allemandes dans plusieurs départements, déployaient une grande activité, aidés par les trop nombreux fonctionnaires et magistrats restés en place après la Révolution du 4 Septembre.

Leur propagande était incessante et audacieuse. M. Rouher, le 11 février, avait été élu en Corse ; des journaux se fondaient, des brochures impudentes s’imprimaient et se répandaient à profusion, et un mouvement assez sensible se manifestait, inquiétant ; tellement, que M. Thiers et le cabinet durent s’en préoccuper. Et, cependant, à chaque instant se produisait un incident, quelque événement de nature à discréditer ce parti ou, pour mieux dire, cette faction devant le pays. Le procès intenté à M. Janvier de la Motte, ancien préfet de l’Empire, le légendaire « père des pompiers », à propos de sa trop fantaisiste façon de comprendre et de pratiquer les règles de la comptabilité publique, surtout en matière de virements, avait eu un retentissement considérable ; il avait même entraîné la démission de M. Pouyer-Quertier, ministre des finances, qui avait tenté de justifier ces pratiques. Rien n’y faisait, la propagande accomplissait son œuvre et il y avait lieu d’en montrer de l’inquiétude ;