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il trouvait moyen de se mêler aux intrigues politiques, se rangeant, contre le chef du pouvoir exécutif, du côté des monarchistes. Ceux-ci, si férus en apparence de patriotisme, loin de s’en offusquer, s’en félicitaient, tant parmi eux la passion politique dominait tout autre sentiment. Ces monarchistes-là étaient bien les descendants de ceux qui, après avoir émigré, porté les armes contre leur patrie assaillie par de redoutables coalitions, étaient revenus dans les « fourgons de l’étranger ». Patrie, drapeau, tout leur était indifférent, pourvu que la République fut renversée et que fut restaurée une monarchie.

Non sans peine, les difficultés s’étaient momentanément apaisées dans le domaine de la politique extérieure ; elles allaient, en revanche, se poursuivre avec une rare intensité dans la politique intérieure. L’accord des conservateurs proprement dits et d’un certain nombre de représentants à étiquette républicaine n’allait se réaliser que quand il s’agirait de combattre la fraction la plus avancée du parti républicain ou le socialisme sous ses aspects les plus vagues, les plus modérés. Du socialisme, ils avaient les notions les plus singulières et la haine la plus vivace.

L’année 1872 s’était ouverte par un assez important épisode des incessantes conspirations monarchiques. Il s’agissait de réparer le désarroi provoqué par la déclaration du comte de Chambord relative au drapeau blanc, et M. de Falloux, qui n’appartenait pas à l’Assemblée nationale, mais n’en avait pas moins une très grande influence, avait assumé la tâche de tenter le ralliement pour un suprême et décisif assaut contre la République. Cette nouvelle tentative de fusion entre orléanistes et légitimistes avorta, mais les détails en furent connus ; ils émurent l’opinion qui put constater que les conspirateurs ne renonçaient ni à leur œuvre, ni à leurs espérances.

C’est sous cette impression qu’eurent lieu les élections partielles du 7 janvier ; elles furent un nouveau succès pour les républicains. Toutefois, à Paris, M. Vautrain, président du Conseil municipal, d’étiquette républicaine, ancien maire du IVe arrondissement sous le gouvernement de la Défense nationale, politicien ondoyant et divers, qui avait voté, à l’Assemblée communale, contre l’instruction laïque ; qui affirmait que la République ne pouvait être placée au-dessus de la souveraineté du suffrage universel ; qui n’avait même pas effleuré la question cependant si parisienne et si d’actualité de l’amnistie, était le candidat opposé à Victor Hugo. Toute la réaction se groupa autour de lui et Paris, en l’élisant par 121.158 voix contre 93.243, vota comme un bourg pourri de province. Paris, il est vrai, était bien changé.

Jules Favre, toujours « jatte de lait empoisonnée », en tira argument et caractérisa l’élection : « Réconciliation de Paris avec Versailles, retour de l’Assemblée à Paris, amnistie ». C’était le même homme qui, étant ministre des Affaires étrangères, avait sollicité l’extradition contre les « communards » qui avaient réussi à franchir les frontières. Pouvait-il aussi amnistier Millière ?

La province donna une leçon à Paris, puisque sur seize sièges à pourvoir,