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une bravoure folles et gisait sur un lit avec les jambes fracassées ; on n’en vit que dix-sept : Assi, Urbain, Ferré, Billioray, Jourde, Champy, Trinquet, Paschal Grousset, Lullier, Rastoul, Régère, Courbet, Verdure, Ferrat, Decamps, Victor Clément, Ulysse Parent.

Ceux qui marquaient plus particulièrement étaient Jourde, l’ancien délégué aux finances, Paschal Grousset, qui avait eu la charge des relations extérieures, Ferré, qui avait reçu la mission de gérer la Préfecture de police ; Assi, Trinquet et Courbet que mettaient en lumière son grand talent de peintre et son rôle dans le déboulonnement de la colonne Vendôme.

Nous ne pouvons juger l’attitude des accusés, l’espace nous manque. Il nous faut, cependant, constater que Jourde établit un compte très précis, très net de sa gestion financière et qu’ainsi il contribua à un revirement de l’opinion sur ce que la presse à la solde de la réaction versaillaise qualifiait de « pillage de la Banque de France » et sur l’honnêteté scrupuleuse de la Commission des finances ; une partie de la sinistre légende commençait à s’effriter. Quant à Ferré, quel que soit le jugement que l’on puisse porter sur son rôle durant la Commune, tout le monde reconnut que sous les misérables invectives du commandant Gaveau, qui s’oublia jusqu’à injurier son défenseur, il montra une attitude ferme, fière. Il ne se défendit pas et voulut simplement expliquer sa conduite. Il fut interrompu et ne put que protester, protester surtout contre le fameux document « faites flamber finances ! » qui lui était attribué, qui n’était qu’un faux jésuitiquement fabriqué, ce qui fut reconnu plus tard.

Quant à ce pauvre Courbet, son attitude fut douloureuse et le plaidoyer qu’en sa faveur prononça Lachaud ne fut pas pour la relever. Il n’en reste pas moins un des plus grands artistes de la seconde moitié du xixe siècle.

Après d’interminables débats, orageux, fréquemment désordonnés, comme un furieux épisode de guerre civile, — le commandant Gaveau devait en devenir fou — le 2 Septembre, le conseil de guerre rendit son « jugement ». Il avait à se prononcer sur seize questions, dont la plupart entraînaient la peine de mort, le bagne ou la déportation. Ferré et Lullier furent condamnés à mort ; Paschal Grousset, Assi, Champy, Billioray, Régère, Verdure, Ferrat, à la déportation dans une enceinte fortifiée ; Rastoul et Jourde, à la déportation simple ; Trinquet et Urbain aux travaux forcés à perpétuité ; Courbet, à six mois de prison et 1.500 francs d’amende ; Victor Clément, à trois mois de prison ; Decamps et Ulysse Parent furent acquittés.

Parallèlement au 3e, les autres conseils de guerre de la 1re division, des autres divisions militaires et d’Algérie étaient à l’œuvre et les jugements se succédaient, émouvant l’opinion publique par leurs implacables condamnations, provoquant le cri de pitié qui allait de partout s’élever quand allaient retentir à Satory et à Marseille les pelotons d’exécution. Ce n’étaient plus des tribunaux, c’étaient des machines à fusiller, à envoyer au bagne, en exil, à déporter.

On frappait non seulement pour avoir fait partie de la Commune, pour