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Turbigo n’en recueillit pas moins seize sièges ; parmi ses élus figuraient MM. Gambetta, Laurent-Pichat, Scheurer-Kestner et Corbon.

L’élection du 2 juillet, sans toutefois complètement décourager la droite de l’Assemblée, lui porta néammoins un coup terrible. Les forces vives de la démocratie reprirent courage et, malgré les difficultés sans nombre, les préventions, les calomnies, allaient s’esquisser, de bonne heure, quelques tentatives de propagande socialiste.


CHAPITRE VI


La presse traquée. — Rétablissement du cautionnement. — L’activité cléricale. — Les pétitions des évêques. — Le pouvoir temporel du pape.


Tous les procédés étaient mis en œuvre pour « assurer l’ordre » et « prévenir les excès de la démagogie turbulente. » Toutefois l’état de siège maintenu dans plusieurs départements, pratiqué plus rigoureusement à Paris qu’ailleurs, devait être pour rassurer tous ceux qu’avaient affolés les mouvements insurrectionnels. La presse républicaine, très restreinte comme organes, n’élevait que timidement la voix, sans cesse menacée, fréquemment frappée dans les conditions les plus autoritaires par des juges implacables. Un long chapitre suffirait à peine pour établir un sommaire relevé des journaux avertis, suspendus, supprimés brutalement par l’autorité militaire dans les départements où fleurissait l’état de siège ; frappés d’amendes, de prison, dans les autres, par les tribunaux ordinaires. La répression s’activait surtout quand se tentait, non pas une apologie, simplement une loyale explication sur le mouvement communaliste ou un appel à la pitié en faveur des vaincus emprisonnés et de leurs familles privées de leur plus précieux soutien : quand était contesté le pouvoir constituant de l’Assemblée Nationale ou s’organisait une campagne anticléricale.

Ces procédés rigoureux ne pouvaient suffire aux réacteurs, pas même au pouvoir exécutif où figuraient de prétendus libéraux, tel M. Dufaure, et des républicains, tel Ernest Picard, ancien membre actif de l’opposition sous l’Empire et qui avait fait partie du gouvernement issu de la Révolution du 4 septembre. Il fallait à tout prix empêcher la presse démocratique de se développer ; pour cette œuvre le plan était simple mais perfide : rétablir le cautionnement ce qui préviendrait la création de nouveaux journaux, tandis que seraient muselés ou écrasés sous les mesures arbitraires, sous les amendes,