Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/33

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment commandée. L’élection de Gambetta était importante au point de vue politique : n’était-il pas le chef de la fraction la plus avancée et, aux yeux des conservateurs, l’homme qui incarnait la révolution du 4 septembre ?

Une élection particulièrement significative était celle du général Faidherbe, non pas seulement parce qu’il était républicain, parce qu’il avait, comme l’on dit, « sauvé l’honneur des armes », imposé le respect à l’ennemi, donné l’exemple de la fermeté la plus intelligente, mais encore parque, au lendemain même de la cessation des hostilités, alors que bien des cœurs meurtris par la défaite était déjà hantés par le désir et l’espoir d’une revanche prochaine et éclatante, dans une brochure dédiée à Gambetta, après avoir retracé sommairement, mais avec simplicité et sincérité, la campagne du Nord, il exprimait avec un rare courage et une hauteur de vues digne d’un philosophe et d’un citoyen clairvoyant, imprégné d’humanité, que les malheurs de la France provenaient de l’abandon, durant dix-huit années, de ses destinées entre les mains d’un homme ; que son relèvement elle ne pourrait que dans l’organisation d’une démocratie fière et équitable ; qu’un tel exemple serait fécond par la propagande qu’il ferait parmi nos vainqueurs et qu’un jour le Rhin, au lieu d’être une barrière convoitée, deviendrait une artère vivifiante entre les deux peuples réconciliés, et il concluait : « Telle doit être la revanche que peuvent espérer les esprits généreux contre M. de Bismarck et la féodalité militaire allemande. »

Nul, parmi les plus exaspérés, durant cette période de deuil et de fièvre patriotiques, n’osa en faire un grief au soldat de Bapaume et de St-Quentin.

A Paris, le scrutin avait eu un caractère tout particulier. Encore occupée par les troupes, la capitale avait l’air d’une ville en état de guerre. La campagne électorale s’était déroulée sans réunions ; la presse républicaine décimée, domptée par l’état de siège, était réduite à l’anémie, pour ainsi dire à l’impuissance. Ainsi que le note M. A. Ranc dans son ouvrage De Paris à Versailles : « A Paris, la réaction avait bon espoir. Tous les journaux dits de l’ordre s’étaient coalisés pour présenter une liste unique. Les républicains étaient divisés. Pas de journaux, pas de réunions. Les faubourgs oseraient-ils seulement aller au vote ? Ne lisait-on pas dans les feuilles de délation que des agents de police se tiendraient aux portes des sections, prêts à mettre la main sur les « communards » qui auraient l’audace de se montrer ? On voulait terroriser l’élection. »

Trois listes principales étaient en présence : celle de l’Union de la Presse, composée de candidats masqués sous l’étiquette républicaine se ralliant à la politique de M. Thiers ; celle plus avancée du Comité dit de la rue Turbigo et de la Ligue des droits de Paris : la liste nettement, furieusement conservatrice. Ce fut une défaite pour la réaction qui n’eut que cinq de ses candidats élus. Si la grosse part des sièges revint aux ralliés, la liste du Comité de la rue