Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/300

Cette page a été validée par deux contributeurs.

a dans ce pays, s’écria-t-il, trop de moines ligueurs et trop de moines d’affaires ! » M. J. Méline, lui, tout en s’affirmant adversaire du cléricalisme mais aussi de toute politique antireligieuse, s’attacha à reprocher au président du Conseil des concessions trop nombreuses au socialisme, au collectivisme. La sagesse, d’après lui, consistait à conduire le parti républicain dans une lutte simultanée de défense de la société laïque et de l’ordre social. L’adjonction de M. Millerand au Cabinet avait redoublé l’audace des révolutionnaires dont l’attitude menaçante et la propagande ne faisaient que s’activer. Il y avait là un grave danger pour le présent et l’avenir.

Les Chambres s’étaient ajournées ; on ne s’occupait plus que de l’ouverture prochaine de l’Exposition. Elle fut éclatante de mise en scène ; c’était l’inauguration d’une gigantesque kermesse internationale qui devait attirer des foules au Champ-de-Mars et, en même temps, révéler les grands progrès réalisés par les industries concurrentes de l’industrie française par trop enserrée dans les banalités de la routine. Le chômage, après les longs et hâtifs travaux, allait commencer à se faire sentir, à semer des misères d’autant plus cruelles qu’un décor de fête éblouissante les masquait et en détournait l’attention.

Mais, les discussions parlementaires pas plus que les préparatifs de l’Exposition, n’avaient pu apaiser l’action des ennemis de la République. Le parti nationaliste n’avait pas perdu une seule minute ; ses chefs avaient redoublé d’activité et d’habileté en vue d’un effort considérable à tenter sur Paris, à l’occasion du renouvellement du Conseil municipal qui, pour la première fois, s’opérait en même temps que celui des assemblées communales de toute la France. Parfaitement organisés, avec à leur tête la Ligue de la Patrie française, la Ligue des Patriotes, le concours de certains socialistes transfuges groupés autour de M. Henri Rochefort, puissamment aidés par la coalition réactionnaire et cléricale décidée aux plus grands sacrifices, les nationalistes avaient mené une campagne ardente, tenace, perfide, avec pour plateforme l’affaire Dreyfus ; la question patriotique et militaire et ce qu’ils appelaient la « ruineuse gestion » du Conseil municipal, dont la majorité était composée de radicaux, de radicaux-socialistes formant un groupe spécial nombreux pour qu’en toutes les questions municipales on se trouvât obligé de compter sur leur intervention et l’appoint de leurs suffrages.

Confiant en sa force, en la fidélité de ses électeurs, trop oublieux de l’attitude de Paris lors de l’élection du général Boulanger contre M. Jacques, le parti républicain marcha au combat sans avoir pris toutes les précautions commandées par les circonstances. Les deux scrutins furent pour lui un véritable désastre. L’argent dépensé sans compter, les pires accusations, les plus noires calomnies produisirent leur effet. Comme une tourmente, la coalition des réacteurs et des nationalistes, recrutée dans tous les partis passa sur Paris et, à la stupeur général, même des vainqueurs, une majorité de droite,