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fices pour assurer leur indépendance. Cette guerre n’était, du reste, qu’un épisode héroïquement illustré de l’histoire du peuple boër dans le Sud-Africain.

Or, malgré une disproportion évidente, les Anglais éprouvaient des échecs graves et successifs, émouvant l’Europe entière sans que celle-ci songeât à sortir de son rôle d’admiratrice platonique. Certains, ils étaient nombreux, s’indignaient de cette attitude de neutralité, sans qu’une tentative fut faite soit pour porter secours aux deux républiques menacées, soit pour proposer aux belligérants de soumettre leur conflit à un arbitrage. Cette indignation généreuse n’était que de la candeur. Pouvaient-elles songer à intervenir, les nations européennes, alors que chaque jour, au mépris de ce que couramment on appelle le droit, elles exproprient et oppriment, quand elles ne les massacrent pas, les peuplades noires du continent noir et que, entre elles-mêmes, à tout instant, surgissent des difficultés au sujet de quelque parcelle de l’Afrique ? Les Boërs recueillaient partout de chaudes sympathies, mais pas autre chose. Du reste, ils ne s’étaient pas montrés plus cléments avec les indigènes du Sud-Africain que les Anglais avec eux.

Le 15 mars, au Luxembourg, M. Chaumié avait interrogé le ministre des Affaires étrangères sur la possibilité d’une intervention amiable en faveur des Boërs et il lui avait été répondu qu’il ne paraissait ni opportun ni possible de faire des démarches dans ce sens. Il n’en pouvait guère être autrement après l’affaire de Fachoda et au moment où s’esquissaient discrètement les démarches en vue d’un rapprochement de la France et de l’Angleterre.

Les mois d’avril et de mai furent marqués, au Parlement, par la fin de la discussion si laborieuse du budget de l’armée et par son adoption ; par l’adoption du projet de loi relatif à l’organisation d’une armée coloniale et son rattachement au ministère de la Guerre. Au nom de ses camarades socialistes, M. Sembat, député de la Seine, demanda que le stationnement des troupes coloniales fut interdit sur le territoire continental de la République, leur présence pouvant constituer un danger politique. Cette proposition faite par voie d’amendement fut repoussée.

La discussion du budget, revenu du Sénat, donna lieu à une discussion au cours de laquelle, M. Denys Cochin, député de la droite, et M. J. Méline émirent de vives critiques contre le Cabinet en raison de la présence de M. Millerand et de l’appui qu’ouvertement lui donnait, soit dans le Parlement soit au dehors, la majorité du parti socialiste. C’était là un procédé oratoire destiné à amorcer une attaque au sujet de la politique suivie contre les congrégations religieuses. Le président du Conseil répondit en déclarant que le Gouvernement ne faisait pas œuvre de sectarisme mais de défense de la société laïque et des droits de l’État en s’opposant «  à l’envahissement intolérable des ordres réguliers », que ces congrégations sortant trop fréquemment de leur rôle apparent se mêlaient à la politique et aux intrigues nouées contre la République ; « il y